Cartographie radicale

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Le réseau de l’immigration – 1re partie : Contes et migrations

Phases du processus : 1 (analyser la situation) et 3a (mobiliser pour l’action)

Objectifs 
S’approprier des représentations visuelles de sa propre expérience et, en combinant symboles, iconographie visuelle, langage et histoires, re-présenter ses réalités sur une carte reconnaissable. Favoriser des réflexions sur l’expérience géopolitique de l’espace, et une intervention sur les moyens de représentation du mouvement et de l’identité dans ces lieux. Permettre aux membres du groupe d’établir une compréhension commune des problèmes systémiques à l’échelle d’un plan ( ville, métro, ou autre ).

Discipline artistique : Théâtre physique

Durée : 45 à 90 minutes (selon le nombre de participant·e·s)

Matériel
Une reproduction à grande échelle du plan que vous avez choisi
Stylos et morceaux de carton de différentes couleurs

Le réseau de l’immigration – 1re partie : Contes et migrations

Il s’agit à la fois d’une installation d’art public, d’une collection d’expériences et d’un atelier public désigné – qui peut être adapté de façon à accueillir plusieurs interactions à la fois, ou à accumuler une suite de contributions uniques. Nous nous intéressons ici à l’aspect atelier désigné. 

Notre exemple 

Cette activité a été créée dans le cadre du premier de trois ateliers tenus lors d’une résidence d’art public du Bloc d’artistes au centre commercial Plaza Côte-des-Neiges. Avec un local ouvert aux passants, l’objectif était de créer un environnement interactif qui attirerait visuellement les gens vers l’œuvre, leur permettant d’intervenir directement sur celle-ci, tout en affichant les traces des personnes ayant déjà contribué.

Il s’agissait du deuxième volet de l’atelier public. Dans le premier volet, les membres du Bloc d’artistes ont présenté une courte satire ainsi que de l’information sur les conditions de travail des immigrant·e·s à Montréal, de même que sur les activités du CTI ( Centre des travailleurs et travailleuses immigrants ). Une période de questions et de dialogue avec le public était prévue.

Après une courte pause, les membres du Bloc d’artistes et les participant·e·s se sont réuni·e·s afin d’explorer la ville de Montréal au moyen d’un plan à grande échelle du métro étalé sur le sol. Les gens se sont placés en cercle autour de cette œuvre d’art visuel pour participer à l’atelier collectif.

Le réseau de l’immigration – Contes et migrations, atelier animé par le Bloc d’artistes du CTI.
Avec entre autres  : Manuel Salamanca, Koby Rogers Hall et Mohamed Ben Ali, membres du Bloc d’artistes.
Plaza Côte-des-Neiges, février 2015. ( Photo : Patrick Landry )

Déroulement

Étape 1 :
Invitez les participants·e·s à choisir une station de métro qui a un sens particulier pour elles et eux ( elle peut être associée à leur lieu de résidence, à leur travail ou à un endroit où ils ont vécu quelque chose de mémorable ). Demandez-leur ensuite de se placer sur la station choisie. À tour de rôle, demandez à chaque personne : « À quelle station êtes-vous ? » et « Pourquoi avez-vous choisi cette station ? ». Chacun·e est invité·e à partager sa réponse avec le groupe. Assurez-vous de donner la parole à toutes les personnes présentes.  

Étape 2 :
Une fois que tout le monde s’est exprimé, invitez les participant·e·s à se diriger vers l’endroit où sont disposés les stylos et les morceaux de carton. ( Dans notre cas, ils étaient disposés sur une table à proximité du plan tracé sur le sol. ) Demandez-leur de penser à un ou deux mots-clés – quelque chose qu’elles ont entendu ou qu’ils ont eux-mêmes exprimé – et de les écrire ( un à la fois ) sur un morceau de carton, puis de revenir autour du plan.
Demandez-leur maintenant de choisir une station qui a un rapport avec le ou les thèmes qu’ils et elles ont choisi et, encore une fois, d’aller se placer sur cette station. Comme à la première étape, circulez dans le groupe en demandant à chacun : « À quelle station êtes-vous ? » et « Pourquoi avez-vous choisi cette station ? ». Encouragez-les à exprimer tout ce que leur suggère les mots choisis.
Lorsque toutes les personnes se sont exprimées, invitez-les à déposer leurs morceaux de carton avec les mots-clés qui y sont inscrits sur la station correspondante.
Invitez-les maintenant à observer, individuellement et en silence, le plan qu’elles viennent de créer ensemble.

Le réseau de l’immigration – Contes et migrations, atelier animé par le Bloc d’artistes du CTI.
Plaza Côte-des-Neiges, février 2015. ( Photo : Patrick Landry )

Étape 3 :
Si plusieurs personnes se retrouvent à la même station, invitez-les à discuter entre elles des différences et des similitudes entre leurs expériences.

Étape 4 :

Si certains participant·e·s s’identifient aux mots-clés ou aux histoires d’autres personnes, invitez-les à rejoindre celles-ci à leur station et à discuter des raisons pour lesquelles ils se sont joints à ce groupe.
Une fois ces regroupements effectués, circulez parmi les groupes et demandez-leur, pour la dernière fois, « À quelle station êtes-vous ? » et « Pourquoi avez-vous choisi cette station ? ».

Étape 5 :
Mettez fin à l’exercice et invitez tout le monde à se regrouper pour discuter des outils qu’ils ont découverts et de ce qu’ils ont vécu pendant l’atelier :

      • Les déplacements au sein de cette narration collective soulèvent-ils de nouvelles questions ? Avez-vous eu des surprises ou fait des découvertes ? Quel effet cela faisait-il de se tenir seul·e à un endroit donné ? Et d’être plusieurs à se tenir au même endroit ?
      • Y a-t-il des choses que vous voudriez transformer dans ce plan ?

Prenez soin de tout noter, soit au fur et à mesure ou à la fin de l’atelier. Vous disposez maintenant d’un plan créé collectivement par le groupe avec lequel vous travaillez !

Variante

Si vous le désirez, vous pouvez enregistrer les interventions des participant·e·s. Vous devez toutefois les en avertir au préalable et obtenir leur consentement. Il se peut que certain·es acceptent et d’autres non, et vous devrez vous adapter en conséquence ( soit en respectant les choix individuels, soit en renonçant à l’enregistrement ). Il est plus facile d’obtenir le consentement du groupe si vous expliquez clairement l’usage que vous comptez faire de ces enregistrements et en quoi ils peuvent être utiles.

Le réseau de l’immigration – Contes et migrations, préparation de l’atelier par des membres
du Bloc d’artistes du CTI. De gauche à droite : Mohamed Ben Ali, Manuel Salamanca
et Carmelo Monge inscrivent des mots-clés pour l’animation du plan du métro.
Plaza Côte-des-Neiges, février 2015. ( Photo : Patrick Landry )

Commentaires

Vous pouvez préparer des cartons avec des mots-clés inscrits d’avance, en guise d’inspiration.
Les membres du Bloc d’artistes avaient préparé un certain nombre de mots-clés comme RACISME et
RÉFUGIÉ·E·S
.
Ces mots-clés ont inspiré les autres personnes participantes qui en ont ajouté de leur cru tout au long de l’atelier, tels que RAMQ ( en référence à une expérience vécue avec cet organisme ) et INVISIBLE, pour exprimer comment elles se sentent lorsqu’elles circulent en métro.
Documentez ! Vous ne savez jamais à quel moment vous pourrez poursuivre votre création à l’aide du contenu généré. Cette documentation peut être visuelle, audio ou vidéo.
Certains des témoignages partagés peuvent être difficiles, voire traumatisants, à exprimer ou à
recevoir. Il est important de l’expliquer clairement avant l’atelier, afin de bien établir les besoins et les préoccupations, et que chacun·e puisse prendre soin de soi-même. Par exemple, on peut signifier que toute personne est libre de quitter la pièce à tout moment, en demandant au besoin d’être accompagnée par un·e des intervenant·e·s.
Ne forcez personne à participer. Certaines personnes voudront peut-être se retirer à un moment ou l’autre. Incitez-les à continuer de participer activement à titre de témoin extérieur. Pensez également aux éventuels problèmes d’accessibilité ou de mobilité au sein de votre groupe. Par exemple, si certaines personnes ne peuvent pas rester debout longtemps, vous pouvez ajouter des chaises, prendre plus de pauses, etc.
Portez attention à ceux ou celles qui parlent beaucoup, et assurez-vous d’interroger toutes les personnes présentes. L’important est de garder l’énergie en mouvement – c’est un excellent exercice d’écoute pour le groupe. Le déroulement sera très différent selon que les membres du groupe se connaissent déjà ou non. En tant qu’intervenant·e, vous serez appelé·e à intervenir dans la dynamique du groupe.
Cette cartographie peut être transposée à n’importe quelle représentation géopolitique pertinente ( les stations peuvent devenir des noms de rues, des capitales de pays, etc. ), selon le territoire que vous souhaitez redéfinir avec les participants·e·s. Il existe des tensions inhérentes à la cartographie et à la documentation qui peuvent être explorées de façon ludique et significative avec les participant·e·s de votre projet.


Rédaction :
Koby Rogers Hall

Sources : Créé dans le cadre d’une résidence par le Bloc d’artistes du CTI en collaboration avec le projet Mû et le Festival TransAmériques. Plaza Côte-des-Neiges, janvier-février 2015.
Inspiré de la tradition des projets de cartographie communautaire, notamment les projets de cartographie activiste des Iconoclasistas à Cordoba (Argentine).
 http://www.iconoclasistas.net/