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1- Voir trop gros
Souvent, parce qu’on veut obtenir une subvention, on rédige un projet trop ambitieux et irréaliste. Cela risque d’avoir comme effet l’épuisement. Il faut donc bâtir un projet réaliste, et ce avec les participant·e·s.
2- Tendance à l’exploit
Nous pratiquons un métier non reconnu et non balisé, nous travaillons à contrat à l’intérieur de projets ponctuels et agissons dans la précarité. Nous portons plusieurs chapeaux, jouons plusieurs rôles, devons posséder une multitudes d’habiletés. Nous devons faire très attention de ne pas sombrer dans l’épuisement.
3- Avec l’organisme partenaire
L’organisme partenaire peut vouloir des activités créatives, mais il peut aussi ne pas avoir le temps ou les ressources pour nous accompagner. Il peut avoir du mal à changer ses habitudes, il peut avoir du mal à s’adapter à l’effervescence artistique, et il peut aussi vouloir contrôler le contenu. Il veut que l’activité corresponde à ses valeurs et sa mission, car lui aussi a des comptes à rendre.
4- Le choc culturel
Il est impératif de connaitre le groupe avec lequel on va travailler. Non pas chaque personne, mais du moins la culture du groupe. Il faut arriver en humilité et non en sauveur ou sauveuse; proposer des techniques et une esthétique qui parlent au groupe; ne pas anticiper mais rester à l’écoute du groupe.
5 et 6- Le court terme et l’instrumentalisation des participant·e·s
La plupart de nos bailleurs de fonds nous demandent de mesurer l’impact de nos actions, mais la plupart des politiques, se font, elles, à court terme. Donc les impacts à long terme ne peuvent pas être pris en compte. Or, c’est souvent à long terme que les changements se font. L’impact du projet est donc difficile à mesurer, sauf si l’objectif du projet est très précis et mesurable à court terme. Cette politique du court terme pousse à une culture du projet, et dans la pratique artistique nous y sommes si habitué·e·s, c’est devenu normal. L’implantation à long terme d’actions artistiques communautaires dans chaque quartier semble une réalité impossible, en tout cas au Québec. Il est renversant que quand l’on démontre clairement et objectivement qu’un projet a réussi, le résultat reflète le processus. Quand une osmose se crée entre le fond et la forme, quand les participant·e·s se reconnaissent dans l’oeuvre, quand tout le monde veut continuer (participant·e·s, communauté, organisme et artiste), on est obligé d’arrêter le projet, car c’est un projet ponctuel. Nous devons rester vigilant·e·s, politiquement. Dans un contexte de coupures gouvernementales, les artistes (tout comme les intervenant·e·s et les organismes), sont appelé·e·s à endosser une responsabilité sociale pour «éteindre certains feux», pour rendre une ville ou un quartier plus attrayants, pour donner aux citoyen·ne·s l’impression qu’ils et elles participent à la chose sociale. Nous répondons alors à une prescription venant d’en haut et pouvons ne devenir que simples intermédiaires. Notre travail artistique peut être instrumentalisé.
Le piège que nous posons alors nous-même consiste à rendre les citoyen·ne·s non pas sujets mais objets. Il peut même arriver que ces personnes soient captives, qu’elles ne soient pas libres de se retirer quand elles le veulent, que ce soit à l’école, en prison, ou, de manière plus subtile, dans les organismes communautaires. Si on répond à une prescription venant d’en haut, les citoyen·ne·s peuvent devenir la matière première de notre désir artistique. Alors que nous avons tellement besoin d’eux et elles, il n’est pas certain qu’ils et elles ont besoin de nous.
7- L’art communautaire est pluriel
En art communautaire, il n’y a pas de définition unique et de méthode bonne pour tout le monde. Certain·e·s artistes axent davantage sur le résultat, d’autres sur le processus, d’autres sur le changement concret. Certain·e·s ont des formations en intervention, d’autres une expérience en éducation populaire, d’autres en art-thérapie, d’autres encore ont une culture militante. Au même titre qu’il n’y a pas une seule manière de créer, il n’y a pas non plus une seule manière de faire de l’art communautaire. Ce qui compte, c’est de développer sa propre méthode, de l’assumer, de partager sa passion et son savoir-faire, et de tirer de tout cela le maximum de plaisir!
Transcription d’une capsule audio issue de la Formation sur la création collective en art communautaire animée par Dominique Malacort en 2019.