Conseils et trucs

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Voici des trucs et conseils variés qui répondent à des questions fréquemment posées sur le processus et qui pourront vous soutenir tout au long de votre projet.
Les chiffres et lettres (ex. : 2a) font référence aux phases décrites dans le tableau sur le Processus d’action collective.

Que peut-on espérer faire en un an?

Il est difficile de prévoir l’issue d’un projet et le temps nécessaire pour obtenir un changement. Nous ne nous attendons pas à ce que vous traversiez toutes les étapes en un an. Il peut être préférable de concevoir une année comme la première année du projet. Cela dépend aussi beaucoup d’où le groupe en est rendu déjà. Certains groupes commencent un projet ROUAGE avec une solide analyse qu’ils ont acquises au fil des années. D’autres expérimentent l’action collective pour la première fois ( ou du moins sur le problème en question ). Cela peut prendre quelques mois, seulement pour bien effectuer la première phase. Suivez le rythme du groupe, il n’y a pas de pression de performance. L’important est de chercher un équilibre entre rigueur et incertitude, de laisser une bonne place à la créativité et au plaisir, et de chercher l’égalité dans la participation.

Comment choisir ou préciser une situation, un problème sur lequel on agira?

Il n’y a pas de projet sans problème commun identifié. Le problème commun est la base de l’action collective, ce qui motive ses membres, ce qui justifie l’action. Habituellement le problème est clair, car il est lié à la mission de l’organisme : problèmes de logement, aide sociale, racisme, etc.

Mais attention, une identité ou un statut – par exemple être une femme ou une personne immigrante – ne constitue pas un problème en soi. Ce n’est donc pas suffisant pour entreprendre un projet. En effet, un groupe hétérogène de femmes ou de personnes immigrantes pourrait ne pas réussir à identifier un problème commun. Par contre, si toutes les femmes du groupe sont victimes de violence ou si toutes les personnes immigrantes ont du mal à voir leur formation reconnue, il y a là un problème commun.

Parfois, c’est la connaissance que les animatrices et animateurs ont des membres, jumelée avec une écoute, une « lecture entre les lignes », qui permettra l’émergence d’une situation-problème. Ensuite, une enquête ou une autre récolte de données permettra de valider l’ampleur du problème. Il sera alors possible de mobiliser autour de l’enjeu et de constituer un groupe ( un comité, un noyau ).

Prenons comme exemple cette animatrice qui constatait que certaines personnes mettaient fin à leur participation à leur centre d’alphabétisation en invoquant le coût du transport. L’animatrice a vérifié par un sondage si d’autres personnes du groupe vivaient des problèmes liés au coût du transport ; c’était effectivement le cas. Le processus pouvait commencer. Elle a animé des activités où les membres pouvaient s’exprimer sur la question, notamment sur les conséquences de l’inaccessibilité du transport, ce qui lui a permis d’évaluer avec les membres l’ampleur du problème. Elle a ensuite vérifié si la situation était mobilisatrice : les membres étaient effectivement motivés à agir sur le problème.

Sur les rôles de chacune

Les trois entités participant au projet (membres, intervenant·e, artiste) possèdent chacune leur expertise propre. Chacune ira aussi chercher des bénéfices liés à son rôle. Chacune a des pouvoirs particuliers. Tendre vers l’égalité ne veut pas dire que tout le monde est pareil et fait pareil. Il peut être utile de nommer ou de faire nommer ces expertises et bénéfices en groupe. Cela facilite le fait d’assumer son rôle et peut éviter des malaises ou frustrations éventuelles. Voir notre texte sur les rôles.

Quelles œuvres peut-on rendre publiques, et à quel moment ?

Ce n’est pas seulement la revendication qui mérite d’être rendue publique. Vous pouvez profiter de plusieurs phases du processus pour apprivoiser tranquillement le public, apprendre de vos expériences, oser de plus en plus, rendre visible le problème, informer la population, etc. Par exemple, il est possible de réaliser une œuvre qui dénonce les conditions de logement ( 1a ), qui décrit les conséquences du trop faible montant d’aide sociale ( 1a ), qui explique les causes des difficultés de lecture et d’écriture ( 1b ), qui répond au discours méprisant sur les personnes assistées sociales ( 1b ), ou qui démontre ce qui arriverait si les conditions de travail étaient meilleures ( 1c ).

Dans un processus de création collective, comment tenir compte des particularités individuelles (forces, limites, besoins) de chaque participant·e?

Voici quelques conseils tirés d’une des réflexions issues d’une formation animée par Dominique Malacort en 2019.

Il est important de bien s’informer sur le groupe avec lequel vous aurez à travailler : Qui sont ces personnes ? Que sont les personnes analphabètes, réfugiées, etc. ?  Portez attention à ce qu’elles ont l’habitude de faire, ce qu’elles n’ont jamais fait…  Certaines personnes n’ont jamais tenu un ciseau, ne connaissent pas la complémentarité des couleurs, n’ont jamais parlé en public.

Mettez en place une atmosphère où les participant·e·s se sentent en confiance ; créez un filet de sécurité où les personnes peuvent se lancer et se sentir à l’aise de nommer leurs limites, besoins et forces.

Proposez des exercices graduels qui permettent au groupe de vivre des réussites à chaque fois.

Utilisez des méthodes et outils accessibles et variez-les. Utilisez les jeux, par exemple très
rapides, qui permettent aux gens de participer sans réfléchir, sans avoir le temps de se mettre une pression de performance.

Réfléchissez aux moyens d’offrir un rôle adapté aux capacités des personnes qui ont plus de limitations.

En animation, tout décider ensemble?

Le principe d’égalité peut être interprété par une volonté de soumettre chaque action et décision à la volonté du groupe. Cet idéal est problématique car il peut s’avérer contreproductif. Le temps consacré à chaque décision finit par avoir un impact sur le passage à l’action. Le groupe se retrouve presque toujours en discussion plutôt qu’en action. La démarche est ralentie au point de mener à un immobilisme et à une démobilisation des membres.

Il arrive aussi que la pression du temps amène à « tourner les coins ronds ». On fait des consultations rapides, ce qui privilégie souvent les personnes qui ont plus confiance en elles au détriment des plus timides ou des nouveaux membres. On ne prend pas le temps de consulter les personnes plus compétentes, ce qui peut avoir un impact sur la qualité des actions. Il peut aussi arriver que la volonté de terminer la discussion au plus vite amène le groupe vers un consensus « mou », un accord de surface. Malgré un manque d’enthousiasme et bien que personne ne soit vraiment satisfait des choix proposés, on ne prend pas le temps d’en explorer de nouveaux. Cela se traduit bien souvent pas des actions de piètre qualité ou par un taux d’absentéisme élevé lors de leur réalisation.

Il est donc important de se poser la question suivante avant de planifier une animation : qu’est-ce qui est important que les membres décident ? A-t-on un objectif démocratique ou plutôt pédagogique ? Est-ce que certaines décisions pourraient être confiées aux personnes qui ont plus de compétences pour les prendre ? Nous croyons que ce qui est incontournable, ce sont la définition de la situation problème, la revendication qui sera mise de l’avant ainsi que ce qui touche à la planification de l’action ( cible et objectif, choix de l’action ). Le reste est variable et dépendra des objectifs
d’animation que vous vous fixez.

Pour plus de détails, voir notre outil Décisions collectives.

Quand vous n’êtes pas d’accord avec la décision du groupe

Parfois il peut arriver la situation délicate suivante : le groupe exprime une volonté, mais vous « savez » que ce n’est pas une bonne idée, que ça ne fonctionnera pas, que ça ne permettra pas d’atteindre l’objectif.  Vous ne voulez pas imposer votre opinion, mais vous ne voulez pas non plus que le groupe vive un échec.  Bien sûr il n’y a pas de solution idéale à cette situation, mais voici quelques pistes :

Vous pouvez demander au groupe s’il considère que cette idée est la meilleure façon d’atteindre son objectif.  Mieux, vous pouvez lui demander en quoi la proposition permet d’atteindre
l’objectif.  Après discussion ouverte et de bonne foi, le groupe fera son choix.

Peut-être possédez-vous une information que le groupe ignore.  Ça peut être le résultat d’une expérience similaire passée, par exemple.  Vous pourriez alors informer le groupe de cet élément ( si possible sans mentionner ou sous-entendre que la proposition est une mauvaise idée ).  Le groupe fera son choix en tenant compte du nouvel élément.

Selon les principes d’éducation populaire, vous pouvez aussi décider de laisser le groupe mettre en œuvre sa proposition.  Il faudra alors prendre soin de bien préparer des outils
d’évaluation qui permettront au groupe d’apprendre de son expérience et d’améliorer ses
actions futures.

À l’avenir, vous pourriez prévenir ce genre de situation en proposant au groupe de faire une
analyse des choix qui s’offrent à eux ( quel est le meilleur moyen d’atteindre notre objectif ? ),
et ce à l’aide d’un outil comme  Avantages, désavantages ou Choix par critères.  Nous vous encourageons fortement à explorer nos outils et vous en inspirer!

Comment les artistes peuvent-elles favoriser un partage équitable du pouvoir entre participant·e·s, et entre artiste et participant·e·s ?

Voici quelques conseils tirés notamment d’une des réflexions issues d’une formation animée par Dominique Malacort en 2019.

Variez les modes d’expression ( expérienciel, réflexif, à partir de différentes techniques, créations à deux, à trois, etc. ) et les dynamiques de groupe ( par exemple, du travail en sous-groupes ).  De même, multipliez les outils d’exploration ( théâtre, littérature, arts visuels, etc. ) afin que les gens puissent s’approprier différents médiums, et ainsi leur permettre d’exprimer ce qu’ils sont à travers différents médiums.

Laissez du temps pour que les membres du groupe aient leur propre avis sur leur création, sans inter­venir.  Donnez la parole en premier à celles ou ceux qui ont moins de facilité à prendre la parole ( par exemple, les femmes ou les personnes pauvres et moins scolarisées ).

Lorsque vous récoltez une  «pépite» ( une idée ou image coup de cœur qui vient du groupe), vous devez exprimer ce qu’elle éveille en vous, pourquoi vous vous sentez touché·e artistiquement. Invitez les participant·e·s à faire la même chose, graduellement ; aidez-les à développer cette capacité à apprécier, évaluer, critiquer ce qu’ils et elles créent ou voient.

Mettre les personnes en valeur, montrer leur côté positif : oui, mais ce n’est qu’une étape!

En cours de projet, il arrive souvent que le groupe choisisse un objectif de mise en valeur – de leur culture, de leurs contributions, de leur humanité… Cela est particulièrement vrai chez les groupes qui travaillent sur des aspects comme les préjugés ou les jugements manifestés par la société envers leur communauté. C’est quelque chose de normal, de nécessaire même. En effet, une fois que le groupe amorce le processus de déculpabilisation et qu’il prend conscience de sa légitimité à exister, puis à revendiquer, il est tenté d’accorder beaucoup d’importance à ce type d’action de sensibilisation. Après tout, il s’agit de diffuser une image enfin positive de la communauté ! Mais nous vous invitons à résister à la tentation d’en rester là et à voir ceci comme une étape qui contribue au processus menant vers une revendication concrète ( soit l’étape 1b du processus d’action collective ). Nous vous encourageons à questionner le groupe sur des espaces plus concrets et précis de reconnaissance. Si nous souhaitons diffuser une image positive de nous, c’est sûrement qu’il y a des manifestations concrètes de mépris envers la communauté ou de sa non-reconnaissance. Où voudrions-nous être pris en considération ? Par qui ? Comment, concrètement ?

C’est en se posant ces questions que le CEDA en est venu à choisir ses premières actions, notamment celle liée à la demande de ressources pour aider à remplir les formulaires d’aide sociale. C’était une façon de revendiquer respect et reconnaissance envers la population pauvre et analphabète du Sud-Ouest de Montréal. Parmi les actions de sensibilisation que le groupe du CEDA avait effectué en amont de son action, il y a eu la création d’affiches qui mettaient en valeur les contributions sociales ( mais non rémunérées ) des personnes peu scolarisées et en situation de pauvreté. Ces affiches ont été rendues publiques notamment lors d’un événement au métro Berri-UQAM, une station centrale de Montréal.

L’utilisation d’outils d’animation visuels favorise la participation des membres. Voici pourquoi :

Selon le contexte de leur utilisation, ils auront les impacts ou avantages suivants :

    • ils réduisent l’influence des leaders, de ceux ou celles qui ont la parole facile, qui ont plus de confiance en soi ou qui sont plus articulés ;
    • chaque membre du groupe est à la même place du processus, au même moment ;
      on peut voir les arguments de chacun·e ;
    • chacun·e voit la même chose, comprend pourquoi une idée a été retenue ou pas, voit où on est rendu, comprend et connaît le chemin, comprend d’où vient le résultat, la décision ;
    • il y a moins d’énergie utilisée pour se souvenir ;
    • le rythme est imposé par l’outil ( pas par ceux et celles qui « comprennent » vite ), donc ça réduit la distance possible entre les participant·es ;
    • ils assurent que chaque personne a pris position ;
    • ils permettent de mettre en valeur la contribution de chacun·e ;
    • ils permettent d’éviter l’impression que tout le monde est d’accord ( alors qu’il y en a toujours qui n’oseront pas contredire ceux et celles qui se sont exprimés en premier ) ;
    • parfois, les décisions se révèlent d’elles-mêmes, elles sont presque des constats : on regarde et elles deviennent évidentes.

C’est pourquoi nous vous proposons ici plusieurs outils d’intervention dont la plupart sont basés sur la visualisation de l’information.

Une petite lutte gagnée est mobilisante pour la suite

Dans son ouvrage de 1971, Rules for Radicals, Saul Alinsky conseille de démarrer avec un petit combat gagné d’avance, car une première victoire collective, même minime, permet de déjouer la résignation et d’amorcer une passion du changement. Les « organizers » doivent par conséquent, selon lui, consacrer un maximum de soins aux premières petites victoires; ce sont celles qui conditionnent les suivantes.

Ayez du plaisir

Avoir du plaisir et célébrer est important dans les luttes.  Les gains sont rares et les membres ont souvent à ( re )plonger dans leurs souffrances profondes au fil du processus.  Accordez de l’importance au bien-être du groupe et au plaisir. N’hésitez pas à reconnaître, souligner et célébrer vos apprentissages, votre persévérance, vos réalisations, vos succès. Veillez à maintenir un équilibre entre le plaisir et le travail sur la situation-problème.

Comment s’assurer que les participants se reconnaissent dans la création collective tout autant que l’artiste?

Autrement dit, comment respecter et valoriser la culture artistique des participant·e·s, tout en les poussant à aller plus loin, de sorte que l’expertise de l’artiste transparaisse dans les cocréations ?

Les artistes peuvent se trouver dans une position inconfortable en voulant être à l’écoute des membres tout en souhaitant intervenir dans le respect de leur propre démarche artistique.  Elles et ils croient en l’importance de l’aspect collégial et démocratique des projets, mais ne savent pas comment créer un équilibre entre leur apport comme artiste et les goûts des participant·e·s.  En effet, c’est un des principaux défis des artistes communautaires.  Comment vous aider à assumer votre expertise, tout en restant humble et sans arriver en sauveur ou sauveuse ?

Il est important de prendre le temps, au début du projet, mais aussi tout au long, d’identifier les codes culturels des participant·e·s, à travers leur expérimentation des différentes activités proposées.  Prendre des notes et réfléchir sur ses observations sera nécessaire.  Montrez-vous ouvert·e à découvrir une culture ( populaire, par exemple ) ainsi que le nouveau vocabulaire qui vient avec.  Ensuite, la méthode de la récolte de  «pépites» sera la plus utile pour intégrer des créations du groupe.  Autrement, voyez comment proposer au groupe, à travers des techniques et outils, d’intégrer le contenu ( ce que les participant·e·s veulent exprimer ) dans une nouvelle forme ( davantage connue par l’artiste, mais qui respecte la culture artistique des membres ) et aidez le groupe à s’approprier ce médium.

Vous devez par-dessus tout veiller à ce que l’œuvre fasse appel au médium approprié pour le but visé, emprunte des éléments de surprise pour capter l’attention du public visé, et aide à communiquer le message clairement ( cf. Helen Klebesabel ).  L’œuvre doit aussi offrir une bonne qualité esthétique. Voici une liste de critères qui peuvent aider à définir la qualité esthétique d’une œuvre collective.  Vous devez veiller à évaluer si les idées sont réalistes en termes de temps et de ressources et mettre les limites en conséquence.  Au final, le groupe doit être fier, et l’artiste doit de son côté sentir que le projet nourrit sa création et sa démarche artistique.

La mémoire du processus et des décisions, c’est important!

C’est souvent un défi pour le groupe de se souvenir des raisons qui l’ont mené là où il est rendu. Cela est pourtant nécessaire pour prendre des décisions éclairées, conserver l’adhésion du groupe aux décisions et favoriser l’intégration des nouvelles personnes dans le groupe. Il y a plusieurs façons de ce faire.
D’abord, gardez un souvenir visuel de votre cheminement. Par exemple, dans une démarche sur l’analphabétisme, le groupe a utilisé le mandala, où chaque couche représentait les manifestations du problème, ses causes ( et leur catégorie ) et enfin nos forces. Créez un tableau qui recense, par exemple, les préjugés auxquels le groupe fait face et les réponses du groupe à chaque préjugé. Il y a aussi l’arbre à solutions ( un outil issu de la méthode MARP où le tronc représente le problème, les racines représentent les causes du problème, etc. Voir dans les Références supplémentaires). La méthode Reflect propose aussi le fleuve ( ou la route ) illustrant les différentes réflexions importantes et les décisions prises par le groupe ; on peut y ajouter les obstacles, etc. Vous pouvez aussi créer un autre tableau représentant uniquement les décisions que vous avez prises en groupe, notamment pour une solution ou revendication qui comprendrait plusieurs items ayant été discutés et décidés. Fabriquer une corde à linge à laquelle vous accrochez au fur et à mesure le résultat de vos démarches est aussi une option. Enfin, consultez l’outil Documenter ensemble avec photos.

En plus de ces outils visuels, il est utile, au début de chaque atelier ou régulièrement, de faire
renommer par le groupe le contenu des différentes étapes : notre problème c’est… ; les conséquences sont… ; les causes, les solutions possibles, etc.

Quand et comment transmettre au groupe des informations d’ordre politique?

Il y a une forte tendance, en action collective, à transmettre des informations politiques aux militant·e·s, que ce soit sous forme de formation ou de façon plus informelle. On perçoit ces activités éducatives comme des éléments mobilisateurs, essentiels à la participation citoyenne. Pourtant, elles peuvent être source d’exclusion. En effet, si le fait de comprendre les informations transmises est  nécessaire à l’action, que ce passe-t-il si une personne ne comprend pas ou ne maîtrise pas l’information ? C’est pour cette raison que nous privilégions un processus axé sur l’expression de la réalité et des émotions qui y sont liées, et sur une analyse politique basée sur une animation conscientisante plutôt que sur la transmission d’informations. Ceci est d’ailleurs en accord avec les principes de l’action populaire autonome, où des membres d’une communauté s’éduquent entre eux et à travers l’action.  Évidemment, les informations ne sont pas non plus à proscrire, loin de là. Mais il y a des moments où le faire est plus pertinent. En résumé, disons que les informations devraient être transmises SI et QUAND on en a besoin ; si elles sont directement liées à notre enjeu, quand on se pose la question, quand on a besoin de l’information pour l’analyse ou les choix d’action, par exemple.

Communiquer avec des personnes peu scolarisées : traduire plutôt que simplifier!

On dit qu’au Québec « plus d’un adulte sur deux ne possède pas les compétences requises en matière de littératie pour participer pleinement à la société et se développer». Près de 20% sont à un niveau très faible (https://www.fondationalphabetisation.org/fondation/analphabetisme-les-causes/enquetes-et-statistiques/ ). Ce n’est pas parce qu’une personne est capable de déchiffrer des écrits que les communications sont vraiment accessibles pour elle.

Malgré toute la bonne volonté du monde, il est habituellement difficile pour les personnes scolarisées de bien communiquer avec les membres de la classe populaire.

Le plus souffrant, c’est le stress et la honte. Pour cacher leurs difficultés, les personnes sont parfois expertes dans l’art de faire semblant. Comme elles osent peu exprimer leur difficultés de compréhension, la réalité reste cachée, et on s’en rend peu compte.

Entre une personne peu scolarisée et une autre très scolarisée, il y a de grandes différences culturelles: on réfléchit différemment, on voit le monde différemment, on apprend différemment, on est touché par des choses différentes. C’est comme si on voyait le monde avec des lunettes différentes, et c’est presque comme si on parlait deux langues différentes. Donc dans la communication, on pense non seulement «simplifier» mais «traduire»

Il y a deux règles d’or afin de pratiquer la communication accessible :

1- Restructurer ses communications afin de toujours les commencer pas le concret, l’expérience, l’exemple.

2- Éviter les concepts. Un concept est une représentation abstraite. Nous utilisons une surabondance de concepts qui, s’ils sont pratiques, appartiennent à la culture scolarisée et sont souvent stériles pour les personnes peu scolarisée : démocratie, mandat, échéancier, Ottawa (dans son sens politique), droits, capitalisme, majorité, dignité, province, patriarcat, etc. Nous vous invitons à faire l’exercice de traduire ces concepts en termes concrets. Si ce n’est pas possible, il est souvent possible de simplifer le concept. Par exemple, on choisira «sujet» au lieu de «thème», «but» au lieu d’«objectif» et «sur quoi on va choisir de travailler cette année» plutôt que «priorité».

Utiliser les outils visuels proposés est aussi une façon de faciliter les communications et rendre les processus plus démocratiques.

Nous vous invitons à consulter et imprimer nos deux aide-mémoire. Un concerne la communication orale  et l’autre se consacre à la communication écrite . Formation et accompagnement disponibles et encouragés!

Intégrer des nouveaux membres : oui ou non, et comment?

Est-il possible d’intégrer des nouveaux membres en cours de projet ? Sommes-nous tenu·e·s
d’ouvrir le groupe à de potentiels nouveaux membres ? Comment s’y prendre ?

Il n’y a pas de règles à ce sujet. Habituellement, les groupes restent ouverts, au moins pour une première partie du projet. Vous pourrez par contre trouver plus facile de fermer le groupe après un certain temps. C’est une décision que vous pourrez prendre avec le groupe, mais il est préférable de faire cela avant qu’une personne ne se présente, afin d’éviter les problèmes de loyauté ; en effet, si les membres connaissent de près ou de loin une personne intéressée, ils peuvent trouver difficile de prendre la décision de la refuser si ce n’est pas une décision qui a déjà été prise et qu’il ne reste qu’à appliquer. De toutes façons, il y a des moyens de faciliter l’intégration de nouvelles personnes. La première est de garder une mémoire visuelle du processus ( voir le paragraphe plus haut : La mémoire du processus et des décisions ). Les nouvelles personnes doivent connaître et comprendre les décisions ou le chemin effectué jusqu’alors, et elles doivent en comprendre les raisons. Il est donc utile d’habituer le groupe à raconter le chemin parcouru en résumé, ce qui demande de la préparation ! Ainsi il sera plus facile pour les nouvelles personnes d’adhérer à l’orientation du projet, ou encore de s’en dissocier rapidement si cela ne lui convient pas. Il faut éviter en tous cas de recommencer le processus à chaque nouvelle personne et de remettre constamment en question le chemin parcouru. En même temps, cela offre une occasion au groupe de s’habituer à la prise de parole.

Exclure quelqu’un : oui ou non, et comment?

Est-il possible d’exclure quelqu’un du projet ? Si une personne nuit au déroulement des rencontres ou du processus, soit par sa grande différence avec les autres, ses absences ou surtout son attitude, pouvons-nous nous permettre d’exclure cette personne ?

Il n’y a pas de « bonne réponse » à cette question. Certain·e·s pensent qu’il est important de n’exclure personne, que ces projets doivent être totalement ouverts et inclusifs. C’est une position tout à fait valable. Néanmoins, nous pensons qu’il est préférable de privilégier le groupe plutôt que les individus qui le constituent ( par la préservation à tout prix de leur participation au groupe ). Si une personne nuit au groupe, et donc à chacun de ses membres ainsi qu’au projet, et ce peu importe la raison, nous pensons qu’il fait partie du rôle de l’animatrice ou de l’animateur d’intervenir. Nous vous invitons donc à vous permettre cette intervention, ou du moins à vous poser la question. Libre à vous ensuite de choisir d’inclure les participant·e·s ou pas dans cette démarche, et comment. Bien sûr, nous privilégions généralement la participation des membres, mais il faut tenir compte du fait que cela peut mener à de très difficiles enjeux de loyauté pour eux.