* La formatrice Dominique Malacort utilise cette méthode de glanage de pépites dans son processus de cocréation en théâtre communautaire. Elle partage ici les grandes lignes de sa méthode.
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D’abord, faire naître les idées et images par l’exploration artistique qui permettent de révéler les rêves, les indignations et les aspirations de chacun·e. Ces explorations impliquent le mouvement, le corps, le son, l’image, bref, différentes techniques et manières d’aborder les choses.
Ensuite il faut reconnaître les pépites, les bonnes graines. Il n’existe pas de critères objectifs permettant de les reconnaître; les bonnes graines sont des images, des mots, des idées riches de sens qui nous réjouissent. Elles parlent à la fois au coeur (elles sont touchantes), au ventre (elles sont profondes) et à la tête (elles sont questionnantes). Par exemple, dans un exercice avec le papier, une des pépites que j’ai identifées étaient le son du papier déchiré. J’ai alors dit ce que ça éveillait en moi, par rapport à la thématique (déjà exprimée ou qui germe là…), pourquoi ça m’a remuée, touchée, artistiquement.
Pour pouvoir récolter les graines, il ne faut pas qu’il y en ait dans tous les sens. Il faut faire du pouce sur les idées ou les images qui viennent d’apparaître. Quelqu’un parle, quelqu’un répète et rajoute… il faut constamment reprendre ce qui a été fait, et ajouter.
Ensuite, il s’agit de faire des liens entre les idées et les images, et ce pendant et entre les ateliers, seul·e et avec le groupe. Quand nous mettons ces deux éléments ensemble, qu’est-ce que ça crée comme nouvelle signification? Il s’agit donc d’associer et de combiner.
Ensuite, il est temps d’ajouter de l’incongru. Deux éléments qui paraissent aller ensemble, c’est trop facile! Il faut ajouter un troisième élément qui n’a rien à voir avec les deux premiers. Cela crée un choc, l’imagination est obligée de travailler. C’est ce qu’on appelle le trinôme imaginatif (cf Giani Rodari, Grammaire de l’imagination).
Après, prendre les mêmes idées et images, mais les exprimer avec une autre technique. Par exemple, si quelque chose a été exprimée avec un objet, demander de l’exprimer avec un son, une phrase ou un mouvement. Cela permet par la même occasion de répondre à la diversité des personnalités.
On brasse, toujours! Reprendre les mêmes idées et images mais les exprimer seul·e, à deux, à trois, en groupe. Cela permet de dilater et de rétrécir les idées.
Toujours à partir des mêmes idées et images, y ajouter des métaphores et en faire des comparaisons. Cela permet de «poétiser» les idées.
Ensuite, actualiser les mêmes idées et images dans le vécu, ici et maintenant, les ancrer dans le réel, en faire des liens avec la réalité des personnes : que se passe-t-il dans votre vie? Ou dans votre quartier?
Reprendre ensuite les mêmes idées et images mais en cherchant à exprimer le contraire de ce qui vient d’être dit, pour essayer de casser un peu le sens avec lequel tout le monde est d’accord. Par exemple, trouver des conséquences.
Dans la prochaine étape, traduire tout cela en questionnements; ce ne sont plus des affirmations qui sont amenées, mais des questions. Cela induit le doute.
Enfin, effectuer des montages. Il est possible que le groupe fasse du montage, mais il est aussi possible qu’il n’ait pas les outils ou le temps pour le faire. Il s’agit donc de faire un montage provisoire et régulier à partir des morceaux qui vont s’imbriquer au fur et à mesure. En théâtre, par exemple, privilégier l’écriture en morceaux qui impliquent différents tableaux complémentaires sur la même réalité qui s’entrecroiseront, plutôt qu’une oeuvre littéraire narrative (avec début, intrigue, chute, héro·ïne, etc.).
Pour se souvenir de ce qui a été fait, on peut :
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- utiliser les photos (faire des agrandissements et accrocher sur une corde à linge);
- garder préciseusement toutes les traces : dessins, mots-clés, images, tenter aussi de récolter aussi les atmosphères, les silences, ce qui n’a pas été fait;
- dans la mesure du possible, donner des tâches de ramassage ou gardiennage à d’autres. Certain·e·s participant·e·s préfèrent récolter plutôt que produire; sinon, un·e intervenant·e peut jouer ce rôle, ou encore un·e stagiaire.
Suspendre les photos, images, thèmes émergés et les laisser aller… Il ne faut pas s’accrocher à tout. Un certain aller-retour se fera, plus ou moins consciemment, entre le propos du groupe et ce qui est accroché. Il n’est pas nécessaire de revenir systématiquement sur tout. Parfois on aura fait du pouce sur une idée qui se sera transformée. À ce moment, il faut laisser tomber l’idée d’origine. On peut expliquer à la personne qui a eu cette idée que l’idée a permis de trouver autre chose, que l’idée de départ a nourri quelque chose d’autre, mais qu’elle est abandonnée. On peut même faire un rituel d’idées abandonnées!
Idéalement, tout le monde, ou du moins certain·e·s participant·e·s du groupe, est amené, graduellement, à découvrir et identifier ses pépites.
Quelquefois le groupe est collé au réel, et alors le rôle de l’artiste est plutôt de mettre l’accent sur le symbolique.
Transcription d’une capsule audio issue de la Formation sur la création collective en art communautaire animée par Dominique Malacort en 2019.