Le format et les techniques
Tout d’abord, pourquoi ne pas présenter votre contenu sous forme de «tableaux» qui illustrent les idées (réalités, sentiments, rêves, revendications…) au lieu de créer une pièce narrative traditionnelle? Cela permet aux membres de parler d’eux de manière simple et directe et laisse place à davantage d’expérimentations de techniques variées et originales.
Cette expérimentation de techniques variées permet quant à elle aux participant·e·s de relever toutes sortes de défis, peu importe leur expérience en théâtre ou en action collective.
Exemples de techniques et disciplines que vous pourriez intégrer : vidéo, théâtre d’ombre, mime, chant, chant choral, marionnettes, conte, percussions (corporelles, avec des objets ou de vraies percussions), théâtre d’objets, masque, clown, statue, parole synchronisée, animation du public et danse.
La méthode des «tableaux» et la diversité de techniques permettent aussi à de nouvelles personnes d’intégrer le groupe plus facilement.
Selon les capacités des groupes, il peut être bien de réduire ou même éliminer les dialogues, pour utiliser d’autres façons de communiquer le message ou symboliser l’idée. Il peut aussi y avoir un narrateur ou une narratrice (visible ou invisible).
Le processus
Au début du processus, portez une attention particulière au développement de la confiance, de concentration et de l’écoute. Instaurez un déroulement régulier pour que chacun·e puisse construire ses propres repères. Multipliez les déclencheurs (activités créatives pour faciliter l’exploration —voir 1. ci-dessous), et encouragez les commentaires spontanés. Récoltez les perles et aidez graduellement les participant·e·s à développer leur capacité à en récolter aussi.
Tenez compte des particularités, forces et difficultés de chacun·e pour bâtir vos ateliers. Veillez à maintenir un équilibre entre processus et atteinte du résultat.
Quelques suggestions pour créer le scénario
1. Recueillez le contenu à travers divers moyens d’animation et créatifs exploratoires.
Par exemple, partez de :
-
- questions, thème déclencheur ;
- impro, impro dirigée ;
- objets significatifs, photos ;
- créations collectives spontanées ;
- etc. Les moyens sont infinis. Variez les techniques.
2. Classez, séparez en scènes ou tableaux et ordonnez le contenu pour en faire une séquence cohérente.
3. Présentez au groupe la séquence de scènes ou tableaux de façon schématique ou illustrée
-
- avec des mots-clés ou des phrases courtes (avec un groupe complètement à l’aise avec l’écrit);
- avec des photos des comédien·ne·s et des illustrations (prises sur Internet ou une banque de dessins) qui représentent l’action ou l’émotion principale;
- ou avec des «bonhommes allumettes» dessinés par vous, qui représentent chaque action ou émotion.
4. Invitez les participant·e·s à improviser le contenu précis d’une scène/tableau. Permettez au groupe de faire quelques essais, aidez les membres à représenter de façon efficace ce que vous comprenez qu’ils veulent exprimer. N’hésitez pas à tester différentes stratégies; au besoin, filmez-les et évaluez-les en groupe. Restez ouvert·e aux modifications proposées par les membres, testez-les en groupe et évaluez ensemble les propositions. Au besoin (si la pièce est complexe) notez-en le contenu plus précis de chaque scène/tableau et refaites un travail de systématisation pour préciser le contenu de chaque scène. Illustrez la scène/tableau.
5. Invitez les membres à pratiquer et répéter une scène à la fois, en vous référant au tableau illustré («relisez» ensemble le tableau illustré avant de répéter une scène, et référez-vous-y à chaque fois que nécessaire). Après un certains temps, invitez les autres participant·e·s à commenter (si les acteurs et actrices qui répètent sont d’accord). Les dialogues ne seront pas identiques à chaque fois, et ils seront exprimés dans les mots choisis par les personnes et donc avec un ton plus naturel. Au fur et à mesure que le temps avance, les scènes se solidifient.
6. Refaites les deux dernières étapes avec chacune des scènes/tableaux.
L’attribution des rôles
Il y a plusieurs éléments dont tenir compte dans la distribution des rôles : l’identification de chaque participant·e avec certains personnages; l’aisance de chaque personne avec les mouvements, émotions ou dialogues; les limites/capacités de chacun·e; les intérêts des comédien·ne·s; les défis qu’une personne voudrait se lancer; l’expérience de la scène de chacun·e, l’assiduité habituelle aux ateliers ou encore l’état de santé de chacun·e. Prévoyez des stratégies d’animation pour aider les membres du groupe à choisir des rôles qu’ils pourront «assumer» par la suite. Idéalement, la construction des rôles sera même inspirée par les participant·e·s du groupe, ou encore par la ou les personnes qui les auront créés lors de la phase exploratoire.
Testez votre création
Présentez votre création graduellement, devant des publics de plus en plus exigeants. Commencez par une ou deux collègues, puis les membres de votre groupe, avant de vous présenter devant votre public-cible. Soyez clair·e·s avec ce que vous souhaitez comme commentaires de la part des publics-tests et sur la façon dont ces commentaires doivent être exprimés.
Conception et rédaction : Esther Filion
Source de la section sur Le processus : Dominique Malacort, Une approche en théâtre commmunautaire au Québec, thèse de doctorat en littérature et arts de la scène et de l’écran, Université Laval, Québec, 2016